Chers compatriotes,

Dans le Wisconsin, le nouveau gouverneur républicain Scott Walker a fait quelque chose d'impensable en France pour le moment : il s'en est pris aux syndicats des fonctionnaires.

Le 11 mars dernier, il a fait passer une loi qui affaiblit leur pouvoir. Désormais, ils ne pourront plus négocier collectivement les salaires ou encore les jours de congés. Les augmentations seront indexées sur l'inflation – pas plus. Tous les ans, ils devront demander expressément à leurs membres s'ils souhaitent continuer à adhérer. Enfin, chaque fonctionnaire du Wisconsin devra payer un peu plus de sa poche pour financer sa retraite et son assurance-maladie.

Ni les manifestations de fonctionnaires, d'une violence rare pour les Etats-Unis, ni les protestations des Démocrates, dont certains s'étaient enfuis dans l'Illinois voisin afin de faire capoter le processus de vote, ni même l'occupation du Capitole de Madison n'ont pu faire flancher Scott Walker. Jusqu'au bout, il a maintenu que ces reformes étaient nécessaires pour rétablir le budget de son état, très déficitaire. Il est difficile d'y voir clair. Certains disent que le trou dans les comptes du Wisconsin sera de 3,6 milliards de dollars pour 2012, d'autres de 2,5 milliards de dollars. Les syndicats prétendent que tout cela est largement exagéré et que le gouverneur veut tout simplement éliminer en grande partie leurs droits.

Bien sûr, la méthode employée par Scott Walker est choquante. Bien sûr, les coupes budgétaires prévues dans le nouveau budget, notamment dans le secteur de l'éducation, risqueront de porter préjudice à tous les habitants du Wisconsin, qu'ils soient fonctionnaires ou non. N'empêche que le gouverneur est soutenu par 31% des Américains, selon un sondage du Pew Research Center... Sa démarche exprime donc un malaise de fond. Peut-on continuer à entretenir autant d'inégalités entre les employés du secteur public et ceux du secteur privé quand le taux de chômage avoisine les 10% et que les caisses de la plupart des états américains sont en faillite? Pourquoi devrait-il y avoir deux catégories de travailleurs : ceux qui risquent le licenciement, le chômage, les réductions salariales, le travail jusqu'à 70 ans, et ceux qui sont assis sur de très généreux avantages sociaux financés par le contribuable?

La situation en France n'est pas bien différente de celle dans le Wisconsin, mais Nicolas Sarkozy a trop de problèmes avec la politique extérieure en ce moment pour se pencher sérieusement sur ces questions... Il doit d'abord restaurer l'image du Quai d'Orsay, mise à mal par les amitiés douteuses de Michelle Alliot-Marie et son renvoi consécutif du poste de Ministre des Affaires Etrangères. Mais quand il aura digéré le remaniement ministériel, quand les feux au Moyen-Orient se seront apaisés, et avant l'élection de 2012 qui s'annonce très disputée si DSK se présente, il n'est pas dit que Nicolas Sarkozy, par égard pour tous ceux qui avaient voté pour lui en 2007, ne tente pas quelque chose pour briser la mainmise des syndicats sur la vie politique française.

Madison/Paris, même combat ?

Richard Ortoli,

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